Pour écrire un haïku :
*Ne pas contraindre la nature, la laisser s'exprimer
*Savoir attendre, être attentif
et saisir,
puis relâcher
*Regarder avec les yeux de l'enfant
*Comme si c'était la première fois
*"Prendre une photo très soigneusement,
mais en ayant omis de charger l'appareil" (R. Barthes°)
*Voir le proche, pour voir loin
*Aller au coeur, tendre vers le centre de toutes choses
*Le banal n'est qu'une question de regard
*Le sublime aussi
*Ne pas écrire, laisser couler les mots
*Elaguer, ne garder que deux ou trois rameaux
*Pas de morale, pas de leçon,
seulement des faits
*De deux mots il faut choisir le moindre
*Pas d'images, pas de pompe,
à la rigueur un pied-de-nez
*Au clinquant des mots, préférer la densité des mots
Photos et haïku, Hervé Colard
° Barthes, l'Empire des signes (Flammarion). Extrait:
Le travail du haïku, c'est que l'exemption du sens s'accomplit à travers un discours parfaitement lisible (contradiction refusée à l'art occidental, qui ne sait contester le sens qu'en rendant son discours incompréhensible), en sorte que le haïku n'est à nos yeux ni excentrique ni familier: il ressemble à rien et à tout: lisible, nous le croyons simple, proche, connu, savoureux, délicat, "poétique", en un mot offert à tout un jeu de prédicats rassurants; insignifiant néanmoins, il nous résiste, perd finalement les adjectifs qu'un moment plus tôt on lui décernait et entre dans cette suspension du sens, qui nous est la chose la plus étrange puisqu'elle rend impossible l'exercice le plus courant de notre parole, qui est le commentaire. Que dire de ceci:
Brise printanière
le batelier mâche sa pipette
ou de ceci:
Pleine lune
et sur les nattes
l'ombre d'un pin
ou de ceci:
Dans la maison du pêcheur
l'odeur du poisson séché
et la chaleur
(...)Ne décrivant ni ne définissant, le haïku (...) s'amincit jusqu'à la pure et seule désignation. C'est cela, c'est ainsi, dit le haïku, c'est tel. Ou mieux encore: Tel !