A propos de peinture chinoise Anne Kerlan-Stephens dans "Poèmes sans paroles" (Ed. Hazan) écrit :
"Une peinture n'est en effet pas appréciée pour ses effets illusoires. Il ne s'agit pas de tromper l'oeil en regardant une scène le mieux possible, mais l'enjeu est ailleurs et, d'une certaine manière, le pouvoir de la peinture chinoise bien plus grand, puisqu'elle devient aussi réelle que le monde. Le peintre convoque le réel en sa peinture, son pinceau suscite des forces et des dynamiques qui sont assimilées à celles de la nature. Dès lors, une scène peinte provoque chez le spectateur des effets qui sont ceux ressentis dans la réalité."
Shitao, Deux fleurs en conversation
Dans "Poèmes sans parole" toujours :
"...peinture et poésie de leur côté partagent une même conception du monde et des principes esthétiques similaires. Dès le XIe siècle, des lettrés, et parmi eux principalement Su Shi ont intégré la peinture dans leur monde, celle-ci devenant "poésie silencieuse" tandis que la poésie était qualifiée de "peinture sonore" : ainsi leurs modes d'expression devenaient interchangeables."
Shitao, Prunus en fleurs et traduction d'un extrait de son poème
"Avec ce nouveau type d'oeuvres le poème n'a pas pour rôle de décrire la peinture, pas plus que celle-ci n'est là pour illustrer le poème. Ces deux univers s'entrecroisent et s'enrichissent mutuellement..."
Shitao, Chrysanthèmes et bambous
Dans cet extrait du poème de Shitao, les images qu'il convoque illustrent à merveille ce concept de "poésie silencieuse" répondant à sa "peinture sonore". Cette écriture imagée et la concision du texte peut aussi nous évoquer la fulgurance des haïku japonais.
Dans la rosée blanche
je m'exerce
au paradis
Issa
ou encore, de Buson :
Avec un chicot
je mords mon pinceau gelé
dans la nuit
Photo et haïku, Hervé Colard