mardi 15 novembre 2016

Reflets d'arbres



       
   L'arbre, de par ses racines, appartient à la terre autant qu'il appartient au ciel, où les ramifications de ses branches se perdent.
       Photos et haïku, Hervé Colard                    Cliquez sur les photos pour les agrandir

   L'eau de la rivière ou d'une simple flaque nous rappelle cette dualité en réduisant l'arbre à la bidimensionnalité d'une image où ciel et terre sont sur le même plan. Cette image que tout enfant s'est un jour amusé à troubler en jetant une pierre ou en y sautant à pieds joints.


Voile de lune
une grenouille
trouble l'eau et le ciel
                         Yosa Buson                                                                                      
Fût-ce en mille éclats
elle est toujours là
la lune dans l'eau
Ueda Chôshû


Photo de Victor Albert Prout, vers 1860

          C'est cette image du reflet qui passionnera aussi des photographes et des peintres comme Monet au XIXème siècle. Parce qu'elle casse la perspective classique mais aussi parce que la complexité de l'illusion de profondeur nous trouble :
Qu'est-ce qui est à la surface ?
Qu'est-ce qui est sous l'eau ?
Dans quel espace se situe le reflet du ciel ou des grands arbres de la rive ?
          L'aboutissement de cette fascination pour ce monde illusoire est bien sûr la série des Nymphéas peinte par Claude Monet à l'aube du XXème siècle.
Et notamment les Grands Nymphéas du musée de l'Orangerie qui, tout autant que les Sainte Victoire de Cézanne, ouvrent la porte à l'Art moderne et à la peinture américaine de l'Expressionnisme abstrait. En cheminant au long de ces toiles notre regard tour à tour saisit un ensemble aquatique qui nous fait perdre pied ou, se rapprochant, est happé par la présence des coups de pinceaux. Notre regard alors se retrouve dans un nouvel espace où c'est la peinture même, sa matérialité, qui est profondeur.


          Et l'arbre dans tout ça ? Si le miroir de l'eau lui fait perdre de sa matérialité, il lui apporte aussi la fragilité d'une présence éphémère, d'une vision d'un "monde flottant", à la merci d'un saut de poisson ou du caillou jeté par un enfant.

Foulant la verdure
je foule
un banc de nuages
                              Kawabata Bôsha
Jour de printemps
une seule flaque
retient le couchant
Kobayashi Issa



Photos, Hervé Colard