dimanche 18 décembre 2016

Chemin faisant






          En cheminant dans Google Earth je me suis arrêté devant la photo d'un pré que mon voisin avait l'habitude de traverser pour aller travailler dans ses serres. Pas après pas, jour après jour, années après années, cet homme qui est maintenant mort a créé ce chemin, qui n'était que son propre chemin, fréquenté par lui-seul. Il dessine à peu près une ligne droite mais avec de légères boucles, sans doute au détour d'une plante ou d'une motte de terre, ou peut-être simplement par pure fantaisie.
          A cet étonnement de voir un homme suivre invariablement le même sentier, ne jamais s'en écarter, s'ajoutent deux autres sources d'étonnement :
          qu'un satellite soit ainsi témoin de la vie d'un homme 
          et que la trace de cet homme lui survive si longtemps après sa mort.

le même vu du sol après une chute de neige

On prend la route,
on emprunte une voie, fût-elle détournée,
mais on trace son chemin.

On pourrait peut-être définir le chemin comme la trace que laisse l'homme en marchant. 

          Dans l'action de cheminer il y a la notion d'aléatoire, hasard des choix faits en cours de route, la ligne droite n'étant pas comme chacun sait le plus court chemin d'un point à un autre. Il y a aussi la régularité des pas, régularité et lenteur, parfois même flânerie; on n'est pas loin du chemin des écoliers.
          Il y a enfin le sens d'une évolution, d'une progression: les idées ne font-elles pas leur chemin dans les esprits ?

Vue de Google Earth encore : d'anciens chemins dans la colline derrière chez moi. On est presque dans la logique déambulatoire des escargots !


          L'homme qui traversait les campagnes pour mendier ou chercher du travail s'appelait un chemineau. Le terme est aujourd'hui tombé en désuétude; il faut dire que nos vagabonds se sont pas mal urbanisés au vingt-et-unième siècle.

Le mendiant
il a ciel et terre
 comme habits d'été
Kikaku

          Dans la tradition japonaise du 17e ou du 18e siècle, suivant en cela l'exemple de certains lettrés chinois, les poètes se sont fait voyageurs. Le plus fameux est sans conteste Bashô qui écrivit des journaux de voyage dont le plus célèbre est La Sente étroite du Bout du Monde, encore traduit par Le Chemin étroit vers les Contrées du Nord.

Première bruine
j'aurai pour nom
"le voyageur"
Bashô

Sente, sentier, chemin: ce sont là sources d'inspiration pour les haïjin de toute époque s'enfonçant toujours plus dans les montagnes de l'archipel.

Profond
plus profond encore
dans les montagnes bleues
Taneda Santôka

Pas après pas
dans les montagnes d'été
soudain la mer !
Kobayashi Issa

Ce chemin
seule la pénombre d'automne
l'emprunte encore
Bashô

Verse l'averse d'automne
le chemin
encore et toujours
Santôka

Cheminant par la vaste lande
les hauts nuages
pèsent sur moi
Buson


Sur le sentier de montagne
le soleil se lève
au parfum des pruniers
Bashô

Bruine de juin
le sentier
s'est évanoui !
Buson



 peut-être le chemin de la vie ?


Sous le libellé PHOTOS
voir aussi "Chemins de traverse"