1er septembre 2017
A ces coups de pinceau, traits, lignes, "rides", le peintre Shitao, appelé aussi le moine Citrouille-amère, donne, au delà de la technique picturale, toute leur dimension philosophique. Dans ses fameux "Propos sur la peinture" il note :
"Si l'on ne peint d'un poignet libre, des fautes de peinture s'ensuivront ; et ces fautes feront perdre au poignet son aisance inspirée. Les virages du pinceau doivent être enlevés d'un mouvement, et l'onctuosité doit naître des mouvements circulaires, tout en ménageant une marge pour l'espace. Les finales du pinceau doivent être tranchées, et les attaques incisives. Il faut être également habile aux formes circulaires ou angulaires, droites et courbes, ascendantes et descendantes ; le pinceau va à gauche, à droite, en relief, en creux, brusque et résolu, il s'interrompt abruptement, il s'allonge en oblique, tantôt comme l'eau, il dévale vers les profondeurs, tantôt il jaillit en hauteur comme la flamme, et tout cela avec naturel et sans forcer le moins du monde."
A propos des "rides"et de leurs divers noms.
Après que les grandes lignes ont situé les contours d'un objet, les rides viennent s'inscrire à l'intérieur, ou s'appuyer sur elles, pour décrire le relief, la texture, le grain, la luminosité, les accidents de la surface et le volume de cet objet ; c'est-à-dire qu'elles cumulent dans la peinture chinoise, les fonctions variées qui, en Occident, relèvent tour à tour de la ligne, de la couleur, des ombres et de la perspective. L'appellation coup de pinceau, pourquoi pas caresses de pinceau, nous semble bien pauvre et trop martiale pour cette grande variété de traits aux noms les plus imagés.
"Par le moyen des rides, le pinceau suggère le relief vivant des choses ; mais comme les formes des montagnes peuvent affecter mille aspects variés, il s'ensuit que cette expression de leur relief ne peut se réduire à une seule formule."
"C'est ainsi qu'on parle des rides "nuages enroulés", "taillées à la hache", "chanvre éparpillé", "corde détoronnée", "face de diable", "crâne de squelette", "fagot emmêlé", "grains de sésame", "or et jade", "fragment de jade", "cavité ronde", "pierre d'alun", "sans os"."
Ciels champsaurins
Photos et haïku, Hervé Colard
Propos sur la peinture tirés de la traduction et des commentaires de P. Ryckmans (éditions Hermann)
Shitao, XVIIème siècle
A propos de Shitao voir aussi les articles https://plagesdesilence.blogspot.fr/2016/02/poesie-silencieuse-et-peinture-sonore.html et
https://plagesdesilence.blogspot.fr/2015/01/au-milieu-de-locean-de-lencre.html
https://plagesdesilence.blogspot.fr/2015/01/au-milieu-de-locean-de-lencre.html