textes et photos, Hervé Colard
De mémoire de grenouille
on n'avait vu un printemps aussi pluvieux
Dans cette soupe de lentilles d'eau
je me baigne
jusqu'à me fondre en elles
Cette fleur de nénuphar
un lit de rêve
Des heures durant
je sais me taire
pour chanter à tue-tête
à la bonne heure
Mes vocalises ont fait pâlir
plus d'une Callas
Sur le bassin
le martèlement de la pluie
pour accompagnement
Quoi ?
quoi qu'y a, quand et où ?
et oui je coasse
Aux aboiements des rainettes
je réponds de mon chant modulé
A chaque train qui passe
je réponds
mais aucun ne s'arrête
Si tendre est mon regard
quand on me parle doucement
Là où je reposais
il y a une fraction de seconde
une tache humide
Mon sourire
longtemps sur la mare
après mon plongeon
Qui sait apprécier
la virtuosité de mes plongeons
Méditer au bord de l'eau
est dans ma nature
Eaux dormantes
pas pour tout le monde
Hérons, butors, aigrettes
oubliez-moi !
Nul besoin de prince charmant
et de métamorphoses batraciennes
Je n'envie rien
à la grosseur du boeuf
n'en déplaise aux fabulistes
Soleil couchant
dans mes yeux dorés
ou bien
soleil doré
dans mes yeux couchant
Les peuples qui savent le prix de l'eau
m'ont fait déesse
Le noir de mes prunelles
reflète l'univers
A l'automne je disparais
mais ceci est mon secret
D'autres textes et photos sur les grenouilles dans ce site : https://plagesdesilence.blogspot.com/2018/06/grenouilles-portraits-suite.html