De Tanizaki Junichiro (Eloge de l'ombre, Publications Orientalistes de France *) :
"En fait, la beauté d'une pièce d'habitation japonaise, produite uniquement par un jeu sur le degré d'opacité de l'ombre, se passe de tout accessoire. L'Occidental, en voyant cela, est frappé par ce dépouillement et croit n'avoir affaire qu'à des murs gris dépourvus de tout ornement, interprétation parfaitement légitime de son point de vue, mais qui prouve qu'il n'a point percé l'énigme de l'ombre.
Quand à nous, non contents de cela, à l'extérieur de ces pièces où les rayons du soleil ne pénètrent déjà que très difficilement, nous projetons un large auvent, nous établissons une véranda, pour éloigner davantage encore la lumière solaire. Et dans l'intérieur de la pièce enfin, les shôji ne laissent entrer, de la lumière renvoyée par le jardin, qu'un reflet tamisé.
Or, c'est précisément cette lumière indirecte et diffuse qui est le facteur essentiel de la beauté de nos demeures. Et pour que cette lumière épuisée, atténuée, précaire, imprègne à fond les murs de la pièce, ces murs sablés, nous les peignons de couleurs neutres à dessein."
* un autre extrait du même livre, Lieux d'aisance, sous le libellé Choses lues à la date du 19 août 2015
Dans la salle obscure
saisissant le silence
un grillon chante
Sôseki
Jean Siméon Chardin
De Antonio Ramos Rosa, poète portugais :
La Maison
Un souffle apaisé dans la pénombre de bois.
La maison s'est endormie, elle vit dans une tranquille pulsation.
J'entends le martèlement léger des touches de l'ombre.
Un plat en cuivre brille vertical dans l'obscurité.
La table est ronde, claire, cercle de l'harmonie.
Sur un mur glissent de scintillantes arabesques.
Le temps sécrète des syllabes d'argile et d'écume.
Chardin
Sur chaque objet posé
s'éveille
une ombre d'automne
Takahama Kyoshi
Il assiège
la porte de la cuisine
le cosmos
Kiyosaki Toshio
De la Tour, Madeleine, détail
Mon amour a la couleur de la nuit
couleur des ténèbres
que vient visiter la lune
Sôseki