dimanche 28 février 2016

A propos de rien, de photographie, de réceptivité et de quelques rochers remarquables








              Boubat, Cerisier en fleur, 1983











Le photographe Edouard Boubat dans une interview du Monde, 1985 :
          "Nous revenons à ce paradoxe que cultivent depuis le début du siècle toutes les réclames de photographie: vous n'avez rien à faire. C'est exact. Mais pour que ce rien si mince puisse apparaître, le photographe doit lever un voile entre lui et la réalité. La nécessité absolue pour faire une photo ou être poète, c'est que la plaque soit vierge. Pour que l'image s'imprime dans notre chambre noire, il faut donc être vierge comme au premier regard. Ce qu'on pourrait appeler le coup de foudre : ces rencontres où le voile tombe, où rien ne peut plus s'interposer."
Boubat, Kyoto Japon, 1974


Ce que d'autres appellent la réceptivité ou la sensation. Cités par Charles Juliet (Shitao et Cézanne, une même expérience spirituelle) :
Shitao, Orchidées bambou rocher

Shitao : "C'est la réceptivité qui précède, la connaissance qui suit."

Cézanne, Rochers à Bibemus

Cézanne : "Pénétrer ce qu'on a devant soi. La sensation est à la base de tout pour un peintre."



D'autres rochers ...
























































Photos et haïku, Hervé Colard

vendredi 12 février 2016

Poésie silencieuse et peinture sonore








          A propos de peinture chinoise Anne Kerlan-Stephens dans "Poèmes sans paroles" (Ed. Hazan) écrit :

"Une peinture n'est en effet pas appréciée pour ses effets illusoires. Il ne s'agit pas de tromper l'oeil en regardant une scène le mieux possible, mais l'enjeu est ailleurs et, d'une certaine manière, le pouvoir de la peinture chinoise bien plus grand, puisqu'elle devient aussi réelle que le monde. Le peintre convoque le réel en sa peinture, son pinceau suscite des forces et des dynamiques qui sont assimilées à celles de la nature. Dès lors, une scène peinte provoque chez le spectateur des effets qui sont ceux ressentis dans la réalité."

Shitao, Deux fleurs en conversation


          Dans "Poèmes sans parole" toujours :
"...peinture et poésie de leur côté partagent une même conception du monde et des principes esthétiques similaires. Dès le XIe siècle, des lettrés, et parmi eux principalement Su Shi ont intégré la peinture dans leur monde, celle-ci devenant "poésie silencieuse" tandis que la poésie était qualifiée de "peinture sonore" : ainsi leurs modes d'expression devenaient interchangeables."
Shitao, Prunus en fleurs et traduction d'un extrait de son poème

          "Avec ce nouveau type d'oeuvres le poème n'a pas pour rôle de décrire la peinture, pas plus que celle-ci n'est là pour illustrer le poème. Ces deux univers s'entrecroisent et s'enrichissent mutuellement..."
Shitao, Chrysanthèmes et bambous

Dans cet extrait du poème de Shitao, les images qu'il convoque illustrent à merveille ce concept de "poésie silencieuse" répondant à sa "peinture sonore". Cette écriture imagée et la concision du texte peut aussi nous évoquer la fulgurance des haïku japonais.

Dans la rosée blanche
je m'exerce
au paradis
Issa

ou encore, de Buson :
Avec un chicot
je mords mon pinceau gelé
dans la nuit

Photo et haïku, Hervé Colard


                    

lundi 8 février 2016

Année du singe de feu




          En 2016 n'oublions jamais que "plus le singe monte haut, plus il montre son cul". Ce vieux proverbe est toujours d'actualité, non ?
          Pour plus de photos de singes voir l'article "Animaux d'Inde" sous le libellé "Choses lues" du 7 février 2016.

dimanche 7 février 2016

Animaux d'Inde






Extraits de Un barbare en Asie
de Henri Michaux (1933, Gallimard) :


photos, Hervé Colard          Cliquez sur les photos pour les agrandir


          On se distrait souvent à regarder les oiseaux. Ils partent, reviennent, font des virevoltes : des tripoteurs.  







          Ce n'est pas comme ça que la perruche entend le vol. Le vol, c'est le passage d'un point à un autre en ligne droite. Les perruches sont toujours pressées, le gouvernail bien droit (elles ont la queue très longue et forte), elles s'en vont sans tourner la tête, presque toujours deux, ne dérivant ni pour vent ni pour ombre, mais tout en jacassant.


Martin pêcheur
Oiseaux s'abreuvant à un péage d'autoroute directement à la source, un camion-citerne de lait.


          Le pigeon est un obsédé sexuel. Dès qu'il a avalé une bouchée et qu'il s'est refait un peu de force, le voilà repris par son démon. Il râle (qui donc a appelé ça roucouler ?) un râle épais, qui troublerait un ermite et aussitôt, la femelle répond, elle répond toujours, même si elle ne désire pas être approchée tout de suite; un râle qui l'inonde, qui est beaucoup plus gros qu'elle, et lourd, obèse.
          Et ils s'envolent, plus bruyants que des bottes.
          Avec son long bec et sa tête de torpilleur, le corbeau est un noir poltron. Aux Indes, un quart d'heure avant le coucher du soleil, il devient vorace, et risquant le tout pour le tout, vient se jeter sur le morceau de pain donné par une petite fille timide.
          Les milans sont de grands incapables. Tant qu'ils peuvent utiliser les vents, et faire les paresseux, ils sont un peu là.

          L'Indien n'aime pas les chiens. Pas de concentration, les chiens. Des êtres de premier mouvement, honteusement dépourvus de self-control.
          L'Hindou apprécie la sagesse, la méditation. Il se sent d'accord avec la vache et l'éléphant, qui gardent leur idée par devers eux, vivent en quelque sorte retirés. L'Hindou aime les animaux qui ne disent pas "merci" et qui ne font pas trop de cabrioles.

N'oublions pas le peuple singe

les oies

et les écureuils fripons






lundi 1 février 2016

Haïku mensuel


1er février 2016






Appelons un mimosa un mimosa :
Lu dans Wikipédia :

Par un étrange télescopage entre les noms vernaculaires et les noms scientifiques, il existe une confusion dans les appellations de trois genres : les genres Acacia,Robinia et Mimosa. En effet, l'espèce appelée mimosa dans le langage courant a pour nom de genre Acacia, alors que ce que nous appelons acacia est en fait du genre Robinia. Quant aux espèces portant le nom de genre Mimosa, nous les appelons plutôt "sensitives".

          Autrement dit : ce qu'on appelle couramment A s'appelle en fait B, alors que B s'appelle par contre C. Mais les espèces du genre A se nomment en fait D.
          Tout cela est d'une logique implacable. Ce qui est sûr c'est que A, le mimosA de la côte vAroise, vient d'Australie par l'intermédiaire de la riche bourgeoisie Anglaise. Logical, isn't it ?


Le fantôme de Marthe :
          S'il est un peintre qui a su saisir toute la flamboyance du mimosa c'est bien sûr Pierre BONNARD. Installé au Cannet, son regard plongeait les jours d'hiver sur des vallons où les jaunes des arbres illuminaient les collines bleutées.
Vue du Cannet, 1927
          En bas à gauche du célèbre Atelier au mimosa du Centre Pompidou, Bonnard a peint le visage de Marthe, sa compagne.
Ce n'est pas la première fois que le peintre cache dans ses tableaux le visage de celle qui partage sa vie - voir par exemple la Fenêtre ouverte de 1921 -
mais ce qui est plus étonnant c'est que la toile a été achevée en 1946 alors que Marthe était morte depuis quatre ans. D'où sans doute cet aspect fantomatique de son visage flottant sur le mur de l'atelier.
Bonnard, autoportrait photomontage


Photo et haïku, Hervé Colard