Hokusai a 74 ans quand il dessine et grave les Cent vues du mont Fuji, faisant suite aux fameuses Trente-six vues. Aux grands formats et à la richesse colorée de ces dernières estampes il préfère dans les Cent vues revenir à la simplicité du noir et blanc et à la subtilité des gris variés.
Hokusai, le géant de la montagne
Le Mont Fuji qui est bien plus qu'un volcan et que le plus haut sommet du Japon, mais l'essence même de la montagne, le Vieux fou de peinture, comme il aimait se surnommer, va le décliner de cent façons différentes.
Bien sûr les données atmosphériques, les saisons et les heures vont aussi apporter leurs variantes mais c'est surtout, de la montagne sacrée, sa présence dans le cadre et ses jeux avec les premiers plans qui sont le sujet véritable de ces estampes.
cliquez sur les photos pour les agrandir
Quel que soit le lieu d'où l'on dessine cette montagne sa forme parfaitement symétrique ne change pas, contrairement à une Sainte Victoire, par exemple, chère à un autre peintre. Cet accent circonflexe, comme celui de "côte" ou de "trôner", est des plus reconnaissables et simple à dessiner.
Dessiné d'un doigt
sur la vitre givrée
le mont Fuji
Buson
Ce triangle immuable donc, va être mis de cent façons en parallèle avec la nature, la géologie, la flore, la faune et surtout les activités humaines qui se déroulent à son pied.
Le Fuji sert de contrepoint à la diversité du monde. Il est le repère dans ce "monde flottant" de l'ukiyo-e, la permanence, au sens bouddhique, face à l'impermanence des activités humaines. En fait ce "face à face" n'est jamais une opposition mais une harmonie, parfois même une symbiose. Comme dans ce haïku d' Issa :
L'escargot
avec peine escalade
le mont Fuji
En cela Hokusai est "peintre du monde". Kenneth White, au regard de ses Cent vues, nous dit: "Tout y est: culture, chaos et cosmos, formes et forces, constructions et dévastations, être, vide et néant". Comme il dit au sujet des Trente-six vues cette fois: "Le thème des Trente-six vues du mont Fuji est le rapport entre l'homme et la nature".
La montagne donc, est une présence et Hokusai s'amuse à tracer sa silhouette en l'inscrivant dans le cadre aux endroits les plus inattendus:
Souvent à l'arrière plan
ou au plus lointain,
parfois au second plan
Elle peut être vue à travers la pluie, une voile, des bambous
ou même une toile d'araignée
A suivre dans l'article "les Cent vues, suite"
(libellé "Choses vues")